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Émission du 16 juin 2009 (n° 408) | 6 ans, déjà ! Le Comité des familles en fête | États-Unis d’Amérique | DJ Kore | Leslie Princesse | Michael Franti | Rap et hip-hop
Rencontre avec DJ Kore et Leslie, engagés aux côtés du Comité des familles : Aux Etats-Unis, seul Michael Franti a chanté la vie avec le VIH. Et en France... ?
19 juin 2009 (survivreausida.net)
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Écouter: Rencontre avec DJ Kore et Leslie, engagés aux côtés du Comité des familles : Aux Etats-Unis, seul Michael Franti a chanté la vie avec le VIH. Et en France... ? (MP3, 5.3 Mo)
Reda : Alors là je vais vous emmener aux Etats-Unis parce qu’on va écouter la toute première chanson écrite par un artiste-chanteur Noir Américain qui s’appelle Michael Franti, pour parler de la séropositivité. Le sida apparaît en 1981 aux Etats-Unis, ce sont les premiers cas déclarés, et il faut attendre quinze ans avant que quelqu’un de la communauté noire, qui est la plus touchée, en parle dans une chanson. On va en discuter, pourquoi est-ce que c’est aussi difficile de se mobiliser autour de cette cause-là ? Mais d’abord on va s’écouter un morceau : c’est la version live. La première version, celle qui est sur son disque, c’est de la poésie, c’est un slam, quelque chose sans musique, mais il l’a faite sur scène à Paris à l’Elysée Montmartre, c’était en 2003 ou 2004 sur scène, donc on s’écoute ça et on en parle après. [Chanson] Reda : Michael Franti sur Survivre au sida, c’est le premier chanteur Noir Américain à parler de la séropositivité, ça date de 1996, il dit "il vaut mieux savoir que de ne pas savoir. Que sera ma vie, à quoi ressemblera-t-elle si je suis séropositif ? Jutement, c’est la question qu’on se pose chaque semaine à Survivre au sida, aujourd’hui avec plein d’amis, plein de gens, plein de monde, qui sont venus nous rendre visite. Il y a Bruno qui vient de s’eclipser pour aller chercher son autre moitié, mais on est ici avec Leslie et DJ Kore. Est-ce que vous connaissiez déjà, l’un et l’autre, Leslie, est-ce que tu connaissais cette chanson de Michael Franti qui s’appelle "Positive" ? Leslie : Pas du tout, je la découvre en fait. Kore : Pareil pour moi. Reda : Ca c’est la version live, c’est un poème où il est tout seul vraiment, et où il se pose la question "si je suis séropositif ça va être quoi ma vie ?" et c’est là qu’il y a une distinction que nous on fait, même si ça fait partie de la lutte contre le sida cette histoire de "qu’est-ce que c’est de vivre avec le virus ?". Quand on parle de prévention on agite cet épouvantail : "Ayez peur, vous ne voulez pas attraper le sida, c’est une mort subite", hors ça c’est faux aujourd’hui, grâce aux progrès de la médecine, grâce aux traitements, grâce aux médicaments, et pourtant les gens ne le savent pas. Et quand on entend des artistes, après ça finit par nous énerver, en tous cas moi oui, quand on entend des artistes sortir des banalités "Sortez couverts, protégez-vous", bien sûr qu’il faut sortir couvert et se protéger, mais s’il suffisait de le dire, le problème serait réglé depuis longtemps ... Je suis curieux de savoir comment Leslie, comment toi tu abordes cette question, ta place en tant qu’artiste, dans une lutte, dans une cause, pour défendre et porter la voix amplifiée, servir de haut-parleur pour une cause. Et savoir que d’abord, la cause est celle des personnes qui vivent avec la maladie. Comment tu vois tout ça ? Leslie : Je pense que, si tu veux, aujourd’hui il y a beaucoup d’associations qui sollicitent les artistes et qui sont aussi diverses les unes que les autres et qu’il y a donc beaucoup d’artistes qui passent des messages sans savoir vraiment de quoi ils parlent. Et je pense que, ce qui aujourd’hui est important, c’est que quand on veut être un haut-parleur, comme tu dis, il faut vraiment être avec les gens, savoir de quoi on parle, et ça, ça se fait sur la durée en fait. Et quand tu fais pas ça, tu peux pas bien parler d’un problème. Donc voilà, aujourd’hui tout est une question de temps, et malheureusement aujourd’hui on consomme les messages au même titre qu’on peut consommer de la musique ou des films, donc ça entre par une oreille et ça ressort par l’autre. En tous cas, moi tous les projets, sur Sidaction tout ça, auxquels j’ai participé, effectivement, le message est toujours le même "protégez-vous", "sortez couverts", c’est de la prévention ; donc c’est bien, on en parle, mais à côté de ça, je pense qu’il faut aussi montrer d’autres aspects et qu’il faut aussi surtout communiquer pour la jeune génération à travers des artistes qui seraient aussi plus jeunes, plus urbains, pour la banlieue aussi par exemple. Reda : Comment ça se fait que c’est aussi difficile - d’un côté il y a cette floraison de disques à thèmes autour du sida, autour de cette question de la prévention - si on veut s’intéresser, dire comment on vit avec le virus du sida aujourd’hui, on ne trouve pratiquement rien ? Par exemple, cette chanson pour parler de la séropositivité, du dépistage "qu’est-ce que je fais si je suis séropositif ?", il faut attendre quinze ans après l’apparition du sida pour que quelqu’un en fasse une, alors qu’il y avait quinze ans pour la faire. Comment ça se fait que c’est aussi difficile de parler avec sincérité de cette cause-là et d’arriver à retransmettre ce que les gens qui vivent avec la maladie ont à dire ? Leslie : Pourquoi c’est si difficile ? C’est peut-être parce que ... parce que ... Tu veux dire quelque chose Tina ? Tina : De mon point de vue, c’est plus difficile quand on ... Leslie : Quand on est pas concerné ... Tina : Quand on est pas concerné, oui, voilà ... c’est que je pense qu’une fois qu’on est concerné, on se cache et on a du mal à en parler surtout, ouvertement, que ce soient à des amis, à des artistes, pour qu’ils en sachent plus ... et les artistes, ils sont pas concernés, il ne savent pas ce que c’est, donc il y a vraiment ce clivage entre ceux qui sont séropositifs, qui se cachent, qui ont honte, qui n’en parlent pas beaucoup, et puis les autres quoi, dont les artistes. Finalement, c’est comme Leslie disait, c’est sur la durée, en s’intéressant plus précisément, qu’on voit "ah oui, c’est une personne séropositive mais elle a des enfants, elle prend le traitement et elle va bien" c’est là que les messages peuvent être un peu plus clairs, plus réalistes, et plus parlant. Kore : Oui, et puis je pense aussi que c’est dû au fait qu’on vit des temps difficiles, et à côté de ça tout se démocratise, tu vois, la violence ... on vit des choses violentes quoi, que ce soit physique ou moral. Et si tu veux, aujourd’hui, tout devient banal, et je vois juste ce qu’on montre à la télé, c’est super violent finalement, si tu regardes par rapport à une dizaine d’années en arrière. Et aujourd’hui pour les gens, tant qu’on voit pas des ... -je vais peut-être être un peu violent mais- il y a des ... tu vois par exemple tout à l’heure je parlais avec une dame qui me disait que le fait que là il y a le Ramadan qui arrive et qui tombe pendant l’été et qu’il va falloir esquiver le fait d’aller au bled parce que cette personne doit se soigner, et qu’à un moment donné, cette personne pour se soigner ne peut pas faire le Ramadan, on lui dit "ben alors, pourquoi tu fais pas le Ramadan, etc ?" et c’est tout ce côté tabou qu’il faut balayer. Après, concernant les artistes, je vous le dit franchement, j’ai déjà entendu moi des directeurs de marketing en maison de disques dire que "tu vois, pour la sortie de ton album, on va te trouver une association. Ton premier single sortira au moment où l’association fera un communiqué, quand il y aura une conférence de presse ... Vas-y regarde-les vite fait " Leslie : Ouais c’est vrai ... c’est vrai. Kore : Donc c’est la vérité, bon heureusement que c’est pas tout le temps comme ça mais ça existe, et voilà moi je pense que comme disait Leslie, il faut être là au quotidien et prendre un maximum de temps possible, même si bon, j’étais pas là deux mercredis de suite rire je vous le dis moi, y’a pas de souci. Leslie : Mais pour rejoindre ce que tu disais à l’instant, il y a le fait aussi que les médias, la presse, aiment bien enjoliver les choses, tu vois, dire des choses là où ça fait mal, sur plein de thèmes différents, que ce soit la politique, ou peut importe, d’autres choses ... appuyer là où ça fait mal c’est jamais bon. Quand tu écris un texte par exemple et qu’on te dit "tu vas écrire un texte pour une association, ça concerne le VIH" on te dit "évite de dire des choses un peu tabous", on te dit "dis-le, mais sans le dire", alors qu’est-ce que tu dis finalement, ben la même chose que les autres, et qu’est-ce qui fait la différence ? Ben rien. Donc finalement on est noyés dans un tas de messages où on envoie que des choses positives, mais à côté de ça on n’a pas les autres aspects, c’est ça qui manque aujourd’hui. Kore : Ouais c’est vrai que même dans les pubs on donne un côté ... dans les pubs que j’ai pu voir, je dirais pas un côté "bon enfant", mais presque. Limite c’est marrant en fait quand tu regardes le truc ... Mais voilà moi j’ai eu des oncles à moi qui ont eu des amis à eux qui ont été touchés par la maladie de près, on parle de cette génération sacrifiée des années 1980. C’est hardcore.
Extraits : Positive in Paris, version LIVE de ce classique de Franti
Make me sweat till I’m wet, till I’m dry
Fais moi transpirer jusqu’à que je sois mouillé, que je sois sec
Haven’t felt this warm in a long time, even in a Bright sunshine
Je n’ai jamais été aussi chaud, depuis longtemps, même sous le soleil
I did some contemplation, before we got down to this consecration
J’ai fait de la contemplation, avant de décider de cette consécration
If I love you then I better get tested, make sure we are protected
Si je t’aime, il vaudrait mieux que je fasse le test, pour être sur qu’on est protégé
How am I going to live my life if I’m positive/is it going to be a negative ?
Comment je vais vivre ma vie si je suis positif ? Est-ce que ce sera en négatif ?
Arrived at the clinic and walked through the front door
Je suis arrivé à la clinique et j’ai franchi la porte d’entrée
Taking a nervous nimber then I’m thinking about it some more
J’ai eu les nerfs, et ensuite je gamberge encore...
About all the times I neglected making sure I was protected
...sur toutes les fois où j’ai oublié d’être sûr que j’étais protégé...
They took my blood with an anonymous number, for two weeks I was waiting
Ils ont pris mon sang, avec un numéro anonyme, ensuite c’était deux semaines d’attente
I should have done this a long time ago, a lot of excuses why I couldn’t go
J’aurais du le faire il y a longtemps, j’ai beaucoup de prétextes pour dire pourquoi je ne suis pas allé
It’s better to know than to not know
Il vaut mieux savoir que ne pas savoir
What’s the first thing I do if I’m H-I-V ?
C’est quoi la première chose à faire si je suis VIH ?
I never thought about infecting another...
J’ai jamais pensé que je pourrai contaminer une autre personne
The times I said, hmm, don’t bother
Les fois où je me suis dit, non, laisse tomber
Was it really all that magic the times I didn’t use
Est-ce que c’était vraiment de la magie, chaque fois que je n’en ai pas mis un ?
Will my whole life change, will my whole life remain the same
Si je suis positif, est-ce que toute ma vie va changer, est-ce que toute ma vie va rester pareil ?