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Sida en France : démobilisation financière et militante
29 novembre 2001 (AFP)
PARIS, 29 novembre 2001 (AFP))
L’espoir né des trithérapies et la lassitude après des années de campagnes d’information sur le sida ont entraîné une démobilisation financière et militante en France, alors que la prévention se relâche et que l’épidémie menace de repartir, selon les associations.
La baisse drastique des dons depuis 1997-1998 l’atteste. L’opération Sidaction, qui en 1994 récoltait 300 millions de francs donnés par 1,4 million de personnes, n’a réuni que 6 MF émanant de 75.000 donateurs en 1998, note Ensemble contre le sida (ECF), l’un des principaux bailleurs de fonds.
De petites associations ont dû fermer, comme Vaincre le sida, ou se retrouvent en redressement judiciaire, comme Sol en Si dont la dernière opération musicale en 1999 n’a pas marché. Aides a dû faire appel à une agence de marketing direct en 1998 pour trouver des donateurs, et Act Up n’hésite pas sur son site internet à parler de "grave crise financière" qui pourrait être "fatale".
Cette démobilisation est survenue après l’arrivée des trithérapies en 1996, apparues comme un miracle, notent toutes les associations.
"Les nouveaux traitements ont entraîné de l’espoir et l’effet euphorique a carrément démobilisé l’opinion publique. Jusque là le sida c’était la mort, le message était simple à comprendre. Quand on a dit que les traitements permettaient de +vivre+ avec la maladie une partie des gens ont compris : +on guérit le sida+", note Olivier Dénoue, responsable de la communication à Aides.
L’arrivée des nouveaux traitements a également coïncidé avec une lassitude du public devant le battage médiatique sur une épidémie qui reste toujours "celle des autres", comme le souligne Julien Deveny, responsable de la communication à Act Up. "Les gens en ont eu ras le bol", dit-il. Et peu à peu les médias s’en sont désintéressés, regrettent les associations.
Avec le public, les militants aussi se sont essoufflés.
Aides, qui comptait environ 4.000 volontaires au milieu des années 90 n’en n’a plus que 1.200. Act Up qui avait 300 militants au début de la même décennie en avoue aujourd’hui 50.
"En terme quantitatif il y a eu une érosion des militants mais cela a permis de garder les vrais engagés, alors qu’avant il y avait plutôt une affluence de bonnes âmes qui auraient pu soutenir d’autres causes", constate Olivier Dénoue.
Mais la force de l’engagement ne remplace par le nombre, d’autant que le rôle du militant a évolué avec l’arrivée des nouveaux traitements.
"Il n’est plus seulement là pour aider des gens à mourir mais également pour les accompagner à vivre", dit Françoise Vermat, responsable du développement à Sol en Si.
"C’est un paradoxe difficile à gérer : aujourd’hui, on a besoin de plus de monde pour aider les gens à vivre avec les traitements, à trouver une assurance s’ils achètent une maison, à trouver du travail...", note également Olivier Dénoue.
Act up, qui favorisait auparavant la lutte politique, en est venu à faire du cas par cas. "De plus en plus de gens viennent nous voir avec des dossiers individuels, la permanence juridique explose depuis un ou deux ans", constate Julien Deveny.
Parallèlement, les comportements à risques ont repris, notamment parmi les homosexuels masculins, et l’épidémie, en baisse en France depuis 1994, est sur le point de repartir, selon la dernière enquête de l’Institut de veille sanitaire.
Un constat qui ne présage rien de bon et résulte de la démobilisation générale, estiment de concert les associations.