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Maroc | Observance thérapeutique
Aide à l’observance dans un pays à ressources limitées : l’expérience marocaine
20 mars 2003 (survivreausida.net)
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Entre janvier 2000 et octobre 2002, j’ai travaillé comme responsable d’un programme d’enseignement thérapeutique destiné à favoriser l’observance dans un pays à ressources limitées, le Maroc.
I. Contexte épidémiologique et socioculturel au Maroc
Au Maroc, le premier cas de sida a été déclaré en 1986. 1 200 cas ont été recensés de cette date au 30 juin 2002. Parmi ces malades, 4 % ont moins de 10 ans, 30 % ont entre 20 et 29 ans, 46 % se situent dans la tranche d’âge des 30 à 39 ans, 20 % ont plus de 39 ans. En 2000, la répartition entre hommes et femmes parmi les patients est équilibrée. 88 % des personnes marocaines séropositives résident en milieu urbain. 70 % des hommes et 30 % des femmes exercent une profession dont 60 % des hommes et 50 % des femmes de petites professions à caractère temporaire et très mal rémunérées. Le mode de transmission de la maladie est la relation hétérosexuelle pour 70 % des patients.
II. Le programme d’enseignement thérapeutique
1. Promotion et soutien financier
L’association de Lutte Contre le Sida « ALCS-Casablanca » et le service des maladies infectieuses (CHU Ibno Rochd-Calablanca) ont été à l’origine du programme d’enseignement thérapeutique. Ce dernier a été financé par la fondation GSD France de janvier 2000 à avril 2002, puis par ECS depuis mai 2002.
2. La population bénéficiaire du programme
170 personnes séropositives (50 % de femmes, 50 % d’hommes) bénéficiaient en mai 2000 du programme d’enseignement thérapeutique. Elles provenaient pour la plupart d’un milieu socio-économique modeste. 50 % d’entre elles étaient analphabètes et sans activité. 30 % des patients résidaient à Casablanca, 30 % à Agadir ou dans ses environs, 25 % à Marrakech.
Le financement des traitements a fait l’objet d’un multipartenariat.
3. La formation des éducateurs du programme
Les éducateurs étaient composés de volontaires de l’association de Lutte Contre le Sida (ALCS) ainsi que de médecins non prescripteurs d’anti-rétroviraux. Ils ont suivi des formations, leur permettant notamment de compléter leurs connaissances des différents traitements et d’identifier les enjeux de l’observance ainsi que les objectifs éducatifs du programme. Pendant ces séances, les volontaires se sont familiarisés avec les outils destinés aux patients (planning thérapeutique cartonné, jeux de situation, classeur contenant des fiches éducatives, piluliers). Les divers techniques et outils présentés ont été réajustés selon le contexte marocain.
4. Le programme d’enseignement thérapeutique : objectifs et réalisations
a. Objectifs
Les objectifs du programme étaient de permettre aux patients de :
connaître la maladie, ses modes de transmission et sa surveillance ;
connaître les traitements et leur gestion ;
réaliser et utiliser un planning thérapeutique ;
apprendre à mieux faire face aux situations spécifiques de la vie courante.
b. Etapes du programme
Chaque personne s’est d’abord vue proposer de participer à des séances d’éducation individuelles et/ou collectives. Celles-ci ont démarré dès qu’un planning thérapeutique et un diagnostic éducatif personnalisés ont été établis. Les progrès des patients ont été évalués six mois et un an plus tard.
En ce qui concerne l’organisation matérielle, les patients ont démarré le programme d’enseignement le jour de la réalisation des prélèvements biologiques dans l’hôpital (un mardi ou un jeudi). De même, les séances d’éducation étaient habituellement programmées le même jour qu’un rendez-vous à l’hôpital.
Pour éduquer les patients, il était nécessaire de transmettre des informations précises, appropriées et complètes. Le choix des outils pédagogiques était laissé à l’initiative de l’éducateur, qui prenait en compte les capacités d’apprentissage, les connaissances, la motivation ainsi que les besoins des personnes séropositives. Le soutien, l’écoute, l’encadrement, l’orientation et le partage sont apparus comme les valeurs fondamentales du programme, qui cherchait à motiver et à accompagner la personne dans le temps.
c. Bilan
Le programme constitue pour les personnes séropositives un lieu d’apprentissage, d’information, de soutien et de dialogue.
Impact du programme pour les prescripteurs
Le programme d’enseignement thérapeutique a considérablement réduit la charge de travail des prescripteurs. Il leur a également permis de détecter de manière précoce les effets indésirables des anti-rétroviraux. On peut également affirmer que ce programme a réduit les abandons de traitement et l’automédication. Globalement, il a amélioré la qualité du suivi et des soins, permettant aux soignants de s’investir à long terme auprès des personnes séropositives. Grâce à lui, la communication entre les soignants et leurs patients s’est accrue.
Impact pour les personnes séropositives
Le programme d’enseignement thérapeutique a modifié la façon dont les patients se représentaient l’hôpital, en leur permettant de l’apprivoiser. Il constitue pour eux un espace d’écoute, de dialogue et de partage.
Les séances de formation ont également eu pour conséquence de transformer les représentations de la maladie par les personnes séropositives.
Impact pour l’ALCS
Le programme d’enseignement thérapeutique recoupe la « mission de plaidoyer et de lobbying » de l’association de Lutte Contre le Sida auprès des instances internationales pour l’accès aux traitements anti-rétroviraux dans les pays à ressources limitées. Il a permis à l’association de démontrer la faisabilité des ARV dans ces pays si l’on ajoute au traitement médical une dimension socio-éducative.
Enfin, le programme a permis aux médecins et non médecins, notamment les membres des structures associatives, de travailler ensemble.
III. Difficultés rencontrées et simplification du programme
1. Le programme d’enseignement thérapeutique s’est heurté à certaines difficultés
Dès le départ, il est apparu que les formations et le contenu du questionnaire auto-administré n’étaient pas adaptés au contexte marocain.
De plus, les conditions d’exercice de la médecine sont difficiles au Maroc : un seul service s’occupe du suivi des personnes séropositives, ce qui entraîne une importante surcharge pour les personnels médicaux et des dysfonctionnements inévitables. En particulier, les consultations médicales surchargées des mardis et jeudis conduisent parfois à des prélèvements biologiques hémolysés, ce qui retarde le diagnostic et le début du traitement. La prise en charge est difficilement à la hauteur des besoins des personnes.
2. La deuxième phase du programme
Entre janvier 2000 et avril 2002, 170 personnes ont été incluses dans le programme et ont au moins rempli le questionnaire initial. Pendant ce laps de temps, plusieurs visites de supervision et d’évaluation ont été organisées pour assurer le bon déroulement du programme. En avril 2002, le programme a subi une simplification.
Les outils pédagogiques et de recueil de l’information relative à la description et au suivi des personnes séropositives ont été transformés.
Les séances d’éducation ont été réorganisées en dehors de tout protocole afin de mieux tenir compte des besoins individuels. La consultation initiale (incluant le planning thérapeutique pour les personnes placées sous traitement) a été maintenue.
IV. Constats
Il ressort de l’expérience marocaine un constat important : l’accès aux thérapies anti-rétrovirales dans les pays à ressources limitées est possible aux conditions suivantes :
une volonté politique d’instaurer une véritable couverture sociale ;
un engagement des bailleurs de fonds en faveur de ces programmes ;
l’implication des personnes séropositives et leur soutien psycho-social.
L’éducation thérapeutique est l’investissement le plus sûr pour une bonne observance. L’expérience marocaine a démontré la faisabilité d’une traitement anti-rétroviral dans les pays à ressources limitées à condition d’ajouter à ce dernier une dimension socio-éducative. Ce programme revêt une grande importance car il répond aux questions posées par les pays du Nord concernant la mise en place de traitements anti-rétroviraux dans les pays du Sud. Il doit être exporté vers d’autres sites au niveau national et régional (en Algérie et en Tunisie, notamment).
Documents joints
![]() | Séminaire du SIRS : Infection à VIH et adhésion aux soins (PDF, 98.5 ko)
Séminaire du 20 mars 2003 du réseau Santé, inégalités, ruptures sociales en Ile-de-France (INSERM U 444) |
Forum de discussion: 2 Messages de forum
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Aide à l’observance dans un pays à ressources limitées : l’expérience marocaine
Infirmière en appartement de coordination thérapeutique à l’association Altaïr à Nanterre (92),je souhaite connaître dans le cadre de mon travail les pôles médicaux délivrant la trithérapie les + près de Settat au Maroc.
Pourriez vous m’aider dans ma recherche ? Merci d’avance.