La PrEP, c’est la Prophylaxie pré-exposition. Un séronégatif peut-il se protéger d’une contamination en prenant lui-même des antirétroviraux ? On ne sait pas si ça marche, encore moins avec quelle efficacité ni dans quelles conditions. L’essai Ipergay teste non pas le principe mais la pertinence de l’observance. On sait déjà, grâce à l’essai Iprex, que chez les gays, proposer aux séronégatifs de prendre des médicaments tous les jours, ça ne marche pas. Ipergay propose donc à ceux qui accepteront d’y participer de prendre un comprimé juste avant et juste après une activité sexuelle, dont les investigateurs présument qu’elle se restreint aux weekends...
 Si l’émission Survivre au sida en parle, c’est parce que le débat entre partisans et opposant de l’essai nous a semblé, jusqu’ici, particulièrement stérile. Nous n’avons pas trouvé les réponses à nos questions, à commencer par celle-ci : La PrEP peut-elle "marcher" pour les couples hétérosexuels sérodifférents, c’est-à-dire des couples stables où l’observance a une autre signification ? Pourquoi, d’ailleurs, concevoir d’un essai qui exclut les hétéros, qui sont pourtant majoritaires dans l’épidémie en France ? Les arguments concernant la prévalence sont-ils valables ou bien s’agit-il en fait d’un parti pris qui considère les gays comme la "priorité absolue" de la prévention, au détriment des autres populations dont les besoins de santé seraient "secondaires" ?
 Stéphane Minouflet travaille dans un sauna gay à Toulouse. « J’aime bien parler avec tout le monde ». Du coup, on se rend compte qu’il en sait plus sur « ce que pensent les gays » que ne savent ceux qui prétendent parler en leur nom dans les associations classiques de lutte contre le sida... Et ses clients, dit-il, ne veulent d’une PrEP genre Ipergay. « Hors de question de prendre un cachet tous les jours avant de s’envoyer en l’air » lance t-il à l’émission. En mars 2012, il a lancé une pétition pour demander l’arrêt de l’essai.
 Julien Delormeau, maquilleur de 24 ans, nous explique pourquoi il a signé cette pétition et comment lui, jeune « crevette » du milieu gay parisien, comprend cet essai.
 Bernard Hirschel est un des grands spécialistes du VIH en Europe et dans le monde. Il a signé, avec deux autres membres de la Commission fédérale suisse le fameux avis titré : « Les personnes séropositives ne souffrant d’aucune autre MST et suivant un traitement antirétroviral efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle ». Pourtant, il a à maintes reprises déclaré son scepticisme concernant la prophylaxie pre-exposition, la PrEP. Ecoutez-le dans cette émission.
 Pour Bernard Escudier, ancien militant d’une association dont il préfère taire le nom et partisan du Pacs dès la première heure, l’essai Ipergay suscite des grandes questions éthiques et philosophiques. Il tergiverse toutefois lorsqu’il s’agit de se positionner pour ou contre l’arrêt de l’essai, ironisant au contraire qu’il souhaite qu’il soit étendu à tous les séronégatifs. « Est-ce que ce traitement ne masque pas la faillite de la prévention » se demande t-il ?
 Presque un an avant Minouflet, Reda Sadki, fondateur de l’émission Survivre au sida et du Comité des familles, avait déjà demandé l’arrêt de l’essai Ipergay lors de son audition le 10 mai 2011 par le Conseil national du sida. Sceptique lui aussi sur la PrEP, pour ce papa, «  il n’y a rien qui justifie de limiter un possible progrès de la médecine à une seule population. Les autres, ceux qui n’ont pas le mérite d’être homosexuel devraient attendre leur tour ? ». Il revendique également le droit de se prononcer sur l’intérêt d’un essai clinique, du fait de l’exclusion des hétéros, nie son existence. « Après tout », dit-il, « on a bien vu un président d’Act Up, blanc comme neige, déclarer qu’il était une femme noire, hétérosexuelle et sans papiers ! ». Plus sérieusement, dit-il, « toutes les populations doivent participer à la conception et la consultation autour des essais, même lorsqu’il y a des raisons légitimes pour que l’essai lui-même soit réservé à une seule population ». Une émission proposée par Reda Sadki et présentée par Sandra Jean-Pierre.