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Émission du 22 novembre 2011 (n° 529) | Cuisine et alimentation | Florence Waxin | Nathalie Bouchène
Pamplemousse, ananas, carotte, poisson : que faut-il manger quand on est séropositif ? (avec Florence Waxin)
24 novembre 2011 (survivreausida.net)
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Écouter: Pamplemousse, ananas, carotte, poisson : que faut-il manger quand on est séropositif ? (avec Florence Waxin) (MP3, 6.7 Mo)
Sandra : On va maintenant parler de bien manger, de nourriture encore une fois. Cette fois-ci, pas de couscous. On va parler tout simplement de l’alimentation en général, bien manger quand on est séropositif. Est-ce qu’il existe des aliments strictement déconseillés pour les personnes séropositives ? Florence Waxin, vous êtes diététicienne nutritionniste. Pouvez-vous dire pourquoi vous avez cet intérêt pour l’alimentation des personnes séropositives ?
Florence Waxin : L’alimentation chez les personnes séropositives est d’autant plus importante que le VIH. Le VIH principalement expose l’organisme à un stress oxydatif quotidien que l’organisme est amené à vieillir plus rapidement. Et que, grâce aux traitements, grâce à l’alimentation, on peut apporter un bien-être et un secours qui est indispensable pour que les cellules vieillissent moins vite.
Sandra : On va commencer par une question d’une personne, qui s’appelle Amina et qui va nous parler de pamplemousse.
Début du son.
Amina : Bonjour, je m’appelle Amina et j’ai 47 ans. Je suis séropositif depuis 2001. Je me porte très bien. Ma charge virale est indétectable, jusqu’au dernier bilan que j’ai fait en août 2011. La trithérapie, je prends un seul comprimé par jour, c’est atripla. Je voudrais lui demander, au sujet du pamplemousse. En Algérie, j’ai pris du pamplemousse pratiquement tous les jours, je faisais un jus de pamplemousse pendant presqu’une année et demi. Je n’ai jamais eu de problème de charge virale et là, quand je suis arrivée en France, je suis actuellement à l’hôpital Simone Veil, à Eaubonne. Puis un jour, je vois une affiche comme quoi, les pamplemousses, quand on prend la trithérapie, ce n’est pas bon de prendre du pamplemousse. Pour moi, ma charge virale est toujours indétectable. Donc, je me demande comment ça se fait, si c’est, chaque personne ou ça dépend. Depuis que j’ai vu l’affiche, j’ai arrêté complètement. Quand je vois le pamplemousse, je me sauve (rires)
Fin du son.
Sandra : Florence Waxin, c’est quoi cette histoire de pamplemousse ? Est-ce que c’est vrai ? Les personnes séropositives ne peuvent pas manger de pamplemousse ?
Florence Waxin : Le pamplemousse peut effectivement diminuer l’effet d’un traitement. Mais pas de tous les traitements. A chaque trithérapie est associé des, quelque part des interdictions, parce qu’il y a des interactions négatives vis-à-vis de la molécule. Donc, ce n’est pas le pamplemousse. Le pamplemousse n’a pas d’interaction avec l’ensemble des trithérapies mais seulement avec certaines. Donc, je ne suis pas une spécialiste des molécules, des traitements en soi. Le pamplemousse est plutôt déconseillé avec les traitements qui sont composés d’antiprotéases. Donc, ce n’est pas la peine, ce n’est pas utile de supprimer le pamplemousse quand on a un traitement qui ne subit pas ces interactions. Il y a d’autres aliments ou plantes, tel que le millepertuis ou le chardon qui sont déconseillés avec certaines trithérapies. Mais encore, ce n’est pas l’ensemble des trithérapies. En général, il y a des listes qui sont diffusées, auxquelles il faut se rapporter. En point commun, c’est quand même l’alcool qui, comme dans beaucoup de traitements médicamenteux, a des interactions négatives vis-à-vis du traitement, et peut en limiter les effets surtout.
Sandra : Tina, il me semble que tu m’avais parlé d’ananas ?
Tina : Oui, j’avais entendu, plusieurs personnes, que l’ananas, en jus ou en fruit, ce n’était pas bien non plus, que ça diminuait l’effet de la trithérapie.
Florence Waxin : Je n’ai pas d’information à ce sujet. A ma connaissance, l’ananas n’a pas d’effet négatif. Mais je ne serai pas formelle. J’ai aussi entendu parler de la patate douce. Après chacun glane ses informations. Certaines sont véridiques parce qu’elles sont liées à des interactions médicamenteuses qui sont reconnues scientifiquement. Après, c’est peut-être l’expérience de chacun et le ouï dire. Donc, il ne faut pas non plus se priver de certains aliments par les différents messages qu’on peut recevoir.
Sandra : On continue la discussion avec une nouvelle question d’Amina.
Début du son.
Amina : Toujours en Algérie, ils nous disent, même n’importe quel traitement, même si ce n’est pas la trithérapie, ils disent que l’huile d’olive, quand on le mange, les traitements n’ont pas d’effet. Et moi, je mangeais beaucoup d’huile d’olive. Donc, je ne sais pas si c’est chacun son organisme. C’est des médecins qui disent ça. Je ne sais pas si l’huile d’olive, il y a un truc qui est, les médicaments ne réagissent pas à cette matière-là. Je ne sais pas c’est quoi.
Fin du son.
Sandra : Est-ce que l’huile d’olive c’est bon ou pas pour les personnes séropositives ?
Florence Waxin : C’est un sujet que je découvre. A ma connaissance, l’huile d’olive n’a aucun effet négatif sur les traitements, sur les antirétroviraux. Au contraire, elle est plutôt conseillée. Les huiles végétales sont plutôt à favoriser par rapport aux graisses animales. Elles sont plutôt cardioprotectrices. Donc, supprimer complètement l’huile d’olive ne me parait pas censée. Après, peut-être que certains organismes réagissent mal. Mais je ne vois pas pour quelles raisons.
Sandra : Ali, Nino, Tina, avant que je pose quelques questions à Florence Waxin, est-ce que vous-même vous avez des questions concernant l’alimentation ?
Tina : Je pense que c’est les questions que tu vas poser en fait, des questions très générale. A savoir, en tant que personnes séropositives, comment bien manger.
Sandra : La dernière fois, on avait rencontré Nathalie Bouchène, qui était venue au Comité des familles et qui disait, en gros, je vais résumer son message, qu’il faut bien manger et qu’il faut penser aussi à se faire plaisir, et qu’il ne faut pas forcément s’interdire des aliments, même si on est séropositif. Qu’avez-vous à dire là-dessus Florence Waxin ?
Florence Waxin : Je partage tout à fait l’opinion de Nathalie Bouchène. Je crois que, on a déjà suffisamment de difficulté avec le VIH pour, en plus, se créer d’autres problèmes avec l’alimentation. L’objectif, il est bien évidemment de se faire plaisir. Maintenant, avec l’évolution du virus, avec les traitements, les personnes séropositives traversent des épisodes qui peuvent être plus ou moins difficiles, avec des périodes d’amaigrissement, des périodes de diarrhées. Donc, c’est plutôt d’adapter l’alimentation à son statut, à son organisme, tout en essayant de se faire plaisir en essayant de se nourrir correctement. Donc, il n’y a pas d’interdit. Le mot interdit en nutrition, il est quand même très néfaste et très négatif. Hormis, effectivement, quand il y a des interactions médicamenteuses, et ça concerne peu de produits. Donc, il n’y a vraiment pas d’interdit. L’objectif, il est de pouvoir garder du plaisir à manger pour, justement, préserver ce capital santé.
Ali : Je reviens à ce que disait Amina sur le pamplemousse, et moi, ça m’a fait remonter un souvenir en moi. Dans les années où j’étais incarcéré régulièrement si je puis dire, sur de longues périodes, chaque jour, je buvais minimum un litre de mélange de pamplemousse, citron et jus d’orange. Je faisais vraiment le plein de vitamine C. Ca me permettait de courir 10 km tous les matins, 5 fois par semaine. Mais, il y a un mais, c’est que, ça fait 28 ans que je suis infecté par le VIH et je ne prenais pas de traitement et je ne prends toujours pas. Donc, je ne suis pas vraiment concerné par rapport au fait que, c’est antagoniste avec les traitements.
Florence Waxin : Oui, le pamplemousse, les fruits de manière générale, sont riches en vitamine. Donc, sont des antioxydants. Donc permettent de lutter contre le stress oxydatif. Donc effectivement, quand il n’y a pas de traitement, il n’y a pas d’effet négatif.
Ali : C’est pour ça que maintenant, quand j’ai l’occasion d’en acheter frais, je préfère les presser moi-même. Du fait que je ne prends pas de traitement. Mais en revanche, je ne savais pas que c’était antagoniste avec certains traitements.
Sandra : C’est quoi le stress oxydatif ?
Florence Waxin : Le stress oxydatif c’est la formation de radicaux libres qui se multiplient, qui sont plus fréquents avec le VIH. C’est vraiment lié au virus, qui vont, en fait, s’intégrer à des cellules saines, transformer leur ADN et transformer en cellules malsaines on va dire ou qui sont néfastes pour la santé, qui peuvent, par exemple, provoquer des cancers. Donc les anti-oxydants, qui peuvent être apportés par l’alimentation permettent de lutter contre les radicaux libres. Ils les piègent en fait. Les anti-oxydant piègent les radicaux libres et empêchent leur action.
Sandra : Ali, on discutait tout à l’heure, et tu me disais, oui, ils sont bien gentils, manger 5 fruits et légumes par jour, il faut avoir les moyens, ce n’est pas toujours évident. Florence Waxin, qu’est-ce que vous répondez à cette remarque ?
Florence Waxin : Je pense que, dans l’alimentation, il faut avoir une certaine logique de consommation. C’est-à-dire qu’il faut consommer les fruits et légumes de saison, acheter en petite quantité. On peut même acheter des surgelés qui sont vraiment peu onéreux, et acheter des boites de conserves. L’important, c’est de pouvoir apporter des fruits et légumes, quelque soit leur forme. Il vaut mieux consommer des produits surgelés ou appertisés, donc en boite, plutôt que d’acheter des carottes et des poireaux et de les laisser pendant 15 jours dans le réfrigérateur sans les consommer, parce que, là, il n’y a plus de vitamine. Donc après, chacun doit adapter, selon ces moyens, la manière dont on peut conserver les aliments et les consommer, à son mode de vie. Il y a quand même aujourd’hui, des possibilités. Il ne faut pas aller dans les épiceries, il faut aller, on parlait tout à l’heure du marché Chateau d’Eau, il faut aller dans ces endroits-là où on trouve, quand même des fruits et légumes pas chers, et toujours consommer des fruits et légumes de saisons. Donc, actuellement, ça va être, de la carotte, le navet, le poireau, la pomme, le kiwi qu’on trouve toute l’année, qui sont à des prix tout à fait raisonnable et riche en vitamine C par exemple.
Ali : Il y a beaucoup de gens qui disent, enfin, c’est peut-être une idée préconçue, que les aliments surgelés perdent de leur saveur, c’est une chose, mais qui perdent de leur teneur en vitamine. Donc, est-ce que c’est réellement une vue d’esprit ou est-ce qu’il y a une part vérité ?
Florence Waxin : Il y a une part de vérité, parce que, les légumes sont blanchis avant d’être congelés. Mais, à partir du moment où ils sont blanchis, on stop toute altération de la vitamine. Donc en fait, le légume ne bouge plus. Il va à nouveau perdre un petit peu au cours de la cuisson. Mais, il y a quand même une teneur en vitamine, notamment en vitamine C. La teneur en vitamine C, de manière générale, elle diminue de moitié. Mais, comme elle est quand même en quantité importante, que le corps ne la stock pas, et qu’on en a besoin, si on mange, on parle de 5 fruits et légumes, et si, effectivement, on arrive à manger régulièrement quotidiennement des fruits et légumes, on a la quantité de la vitamine C nécessaire. Dans le cadre du VIH, il en faut un peu plus. Mais on peut aussi, via, par exemple, dans les légumes secs, les lentilles. On a aussi des anti-oxydants, qui sont tout à fait intéressantes. Donc, juste pour préciser, les anti-oxydants, c’est la vitamine A, la vitamine C, la vitamine E, le cuivre, le zinc et le sélénium. Et ça, c’est vraiment apporter par l’alimentation, par une alimentation diversifiée.
Ali : Uniquement dans les fruits et légumes ou par exemple dans, il y a beaucoup de poissons surgelés, de plat de ce genre, enfin moi, je parle de ce que mange en l’occurrence, et bien souvent, je me pose la question de savoir, ça n’a pas le même apport que du poisson frais ou autre. Mais, voilà, manger ce type de plat, pas tous les jours. Dans ces plats-là, il y a toujours une teneur suffisante en apport calorique et autre ?
Florence Waxin : Oui. En général, les produits surgelés, sont des produits qui ont été immédiatement surgelés après, si on parle du poisson, après la mise en filet. Donc, en général, toutes les vitamines D, toutes les vitamines, tous les nutriments, sont bien protégés, bien préservés. Je dirai que, tous les anti-oxydant dont je vous ai parlé, on les trouve autant au travers, pour la vitamine A, sur le beurre, pour la vitamine E, dans les huiles. La vitamine C, ça va être fruit et légume. Cuivre, zinc, sélénium il y a dans, pratiquement, beaucoup de groupes d’aliment. Autant sur les protéines, la viande, le poisson, les oeufs, les volailles que dans les légumes secs par exemple. C’est pour ça qu’il faut varier son alimentation, manger de tout. Après, c’est manger de tout dans des quantités raisonnables, parce qu’il faut faire aussi attention à sa santé. Il ne faut pas manger des plats trop gras. C’est vrai que, si on mange que des plats préparé, en général, c’est plus gras, c’est plus salé, parce que, le sel est un exhausteur de goût. Donc il faut faire attention au sel. Mais, le principe, c’est de se faire un peu de cuisine, d’acheter de temps en temps du tout prêt, d’aller de temps en temps se faire une petite fête dans les restos si on en a les moyens, mais, de diversifier.
Sandra : Nino, tu n’as pas participé à cet échange. Il me semble que tu m’avais dit que ça t’intéressait l’alimentation. Alors je te laisse la parole.
Nino : Moi j’ai une question à poser à Florence, c’est par rapport à l’alcool. Ca ne concerne pas l’alimentation. Je prends par exemple mon cas où je prends, un verre de vin rouge presque chaque soir, soit un verre de vin rouge, soit une petite bière.
Florence Waxin : Ca ne peut avoir un effet négatif que par rapport à un traitement. Boire un verre de vin quotidiennement, ça fait plaisir, c’est bon, ça accompagne bien l’alimentation, un plat. Donc, il n’y a pas de raison de se priver.
Nino : Merci.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE